On parle de nous, il y a quelques mois mais quand même !

LA CROIX - Annabelle Martella, le 12/8/2019 à 04h09

Dans les quartiers, un été pour renouer avec le monde du travail

En Seine-Saint-Denis, des éducateurs spécialisés profitent de la saison estivale pour aider les jeunes des quartiers populaires à s’insérer professionnellement.
Une démarche aussi conçue pour s’épanouir et regagner de l’estime de soi.

« Mais pour être architecte, il faut savoir dessiner ? », s’interroge Augusto, habitant d’un quartier populaire de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), les yeux rivés sur les plans du chantier sur lesquelles deux étudiantes sont en train de travailler. Durant l’été, le garçon, comme trois autres jeunes de 18 à 21 ans, participe à un chantier de l’association d’architecture ICI. Accompagnés d’un éducateur de prévention spécialisé d’Arrimages, une association financée par le département, ils installent des bancs en bois et des jardinières à proximité de la cité du Chêne Pointu.

Renouer avec des jeunes en rupture
« On est avec les jeunes sur le lieu de travail pour renforcer notre lien avec eux mais aussi pour éviter qu’il y ait des couacs avec les prestataires, explique Kamel Adjal, l’un des responsables de l’association à Montfermeil. Ça nous permet de voir s’ils respectent les règles et s’ils se lèvent à l’heure pour venir travailler. »
Le développement du cyclisme peut aussi passer par les quartiers
À destination d’un public en rupture avec les institutions (déscolarisé, sans emploi ni formation), ces chantiers éducatifs permettent de renouer pendant une courte période avec le monde du travail, tout en étant payé au smic. Mais pour convaincre les jeunes de participer, il faut passer du temps dans la rue.

De l’éducation hors-les-murs
Ludovic, éducateur à Arrimages, passe en moyenne dix heures par semaine à tourner dans la cité des Bosquets, à Montfermeil. D’un pas lent, il parcourt les allées du quartier, saluant les habitants, leur demandant des nouvelles. Il est bien connu des jeunes, qui viennent à sa rencontre pour donner un CV ou savoir s’il a une offre d’insertion à leur proposer. Ludovic les invite alors à se rendre au local de l’association, perché dans une des tours de la cité.
Ces rendez-vous, où l’éducateur les « aide à trouver les mots » pour mettre en valeur leurs compétences professionnelles, sont aussi des moments privilégiés pour aborder des problèmes de délinquance ou de santé. « Certains n’ont pas de carte de sécurité sociale ou ne se sont jamais fait recenser », observe-t-il. « Parfois, nous sommes dans des positions délicates, confie l’éducateur d’une vingtaine d’années. On peut être au courant d’actes illégaux mais si on les dénonce directement, on risque de perdre la confiance du quartier. »

Paix sociale
Une relation de confiance d’autant plus importante que l’éducateur est parfois la dernière personne vers laquelle le jeune peut se tourner. « On contribue à la paix sociale, souligne Kamel Adjal. En essayant de les insérer professionnellement, on peut les empêcher de passer à l’acte ou de vendre de la drogue. Et on les aide à s’épanouir. »

Les accorderies, mixité sociale et lutte contre la pauvreté
Certains rêves sont toutefois difficiles à réaliser. Sophiane, un adolescent des Bosquets, aimerait devenir photographe. Sa passion : capturer des portraits avec son téléphone portable. Mais le jeune homme « déteste l’école » et va « rarement au collège ». Il lui est donc difficile de trouver une orientation. Dans l’impasse, il attend d’avoir 16 ans pour faire un chantier avec Arrimages. « Je suis déjà parti en séjour avec eux à Annecy et dans le Jura, raconte-t-il.
On est cadré mais on rigole beaucoup. Pas comme au collège où ils font que nous crier dessus. »

Manque de moyens
Gangréné par le chômage, ce quartier « n’est pas un environnement propice » pour devenir un jeune adulte, explique Kamel Adjal. Lui-même ne choisirait jamais d’habiter aux Bosquets. « La cité est enclavée. C’est à plus d’une heure de Paris. L’offre culturelle est pauvre, il n’y a pas de cinéma par exemple », déplore l’éducateur de 48 ans. Selon lui, le quartier s’est même appauvri ces dernières années : « J’ai l’impression qu’encore moins de familles partent en vacances… »
Ce manque de moyens, les éducateurs en sont aussi victimes.
« Il nous manque des effectifs et nos locaux sont trop petits. Par manque de place, on est obligé de faire des rendez-vous au McDo », se désole le chef de service, qui regrette une baisse des subventions du département. Passionné par son travail mais payé environ 1 300 € par mois, Ludovic, lui, a décidé de se reconvertir.

Annabelle Martella

Renouer avec les jeunes en rupture

Renouer avec des jeunes en rupture
« On est avec les jeunes sur le lieu de travail pour renforcer notre lien avec eux mais aussi pour éviter qu’il y ait des couacs avec les prestataires, explique Kamel Adjal, l’un des responsables de l’association à Montfermeil. Ça nous permet de voir s’ils respectent les règles et s’ils se lèvent à l’heure pour venir travailler. »
Le développement du cyclisme peut aussi passer par les quartiers
À destination d’un public en rupture avec les institutions (déscolarisé, sans emploi ni formation), ces chantiers éducatifs permettent de renouer pendant une courte période avec le monde du travail, tout en étant payé au smic. Mais pour convaincre les jeunes de participer, il faut passer du temps dans la rue.

De l’éducation hors-les-murs
Ludovic, éducateur à Arrimages, passe en moyenne dix heures par semaine à tourner dans la cité des Bosquets, à Montfermeil. D’un pas lent, il parcourt les allées du quartier, saluant les habitants, leur demandant des nouvelles. Il est bien connu des jeunes, qui viennent à sa rencontre pour donner un CV ou savoir s’il a une offre d’insertion à leur proposer. Ludovic les invite alors à se rendre au local de l’association, perché dans une des tours de la cité.
Ces rendez-vous, où l’éducateur les « aide à trouver les mots » pour mettre en valeur leurs compétences professionnelles, sont aussi des moments privilégiés pour aborder des problèmes de délinquance ou de santé. « Certains n’ont pas de carte de sécurité sociale ou ne se sont jamais fait recenser », observe-t-il. « Parfois, nous sommes dans des positions délicates, confie l’éducateur d’une vingtaine d’années. On peut être au courant d’actes illégaux mais si on les dénonce directement, on risque de perdre la confiance du quartier. »

Paix sociale
Une relation de confiance d’autant plus importante que l’éducateur est parfois la dernière personne vers laquelle le jeune peut se tourner. « On contribue à la paix sociale, souligne Kamel Adjal. En essayant de les insérer professionnellement, on peut les empêcher de passer à l’acte ou de vendre de la drogue. Et on les aide à s’épanouir. »

Les accorderies, mixité sociale et lutte contre la pauvreté
Certains rêves sont toutefois difficiles à réaliser. Sophiane, un adolescent des Bosquets, aimerait devenir photographe. Sa passion : capturer des portraits avec son téléphone portable. Mais le jeune homme « déteste l’école » et va « rarement au collège ». Il lui est donc difficile de trouver une orientation. Dans l’impasse, il attend d’avoir 16 ans pour faire un chantier avec Arrimages. « Je suis déjà parti en séjour avec eux à Annecy et dans le Jura, raconte-t-il.
On est cadré mais on rigole beaucoup. Pas comme au collège où ils font que nous crier dessus. »

Manque de moyens
Gangréné par le chômage, ce quartier « n’est pas un environnement propice » pour devenir un jeune adulte, explique Kamel Adjal. Lui-même ne choisirait jamais d’habiter aux Bosquets. « La cité est enclavée. C’est à plus d’une heure de Paris. L’offre culturelle est pauvre, il n’y a pas de cinéma par exemple », déplore l’éducateur de 48 ans. Selon lui, le quartier s’est même appauvri ces dernières années : « J’ai l’impression qu’encore moins de familles partent en vacances… »
Ce manque de moyens, les éducateurs en sont aussi victimes.
« Il nous manque des effectifs et nos locaux sont trop petits. Par manque de place, on est obligé de faire des rendez-vous au McDo », se désole le chef de service, qui regrette une baisse des subventions du département. Passionné par son travail mais payé environ 1 300 € par mois, Ludovic, lui, a décidé de se reconvertir.

Annabelle Martella

 

 

https://www.la-croix.com/France/Exclusion/quartiers-ete-renouer-monde-travail-2019-08-12-1201040677 [url=https://www.la-croix.com/France/Exclusion/quartiers-ete-renouer-monde-travail-2019-08-12-1201040677]